Le « trano gasy », en pleine émergence

Initialement, le terme de « trano gasy », désignait les maisons d’habitation en bois appelées « trano kontona », typiques des Hautes terres, notamment de l’Imerina. La « trano kontona » ou « trano gasy » était caractérisée par sa chambre unique qui servait à tous les usages, et sa toiture formant un angle aigu. Aujourd’hui, ce genre d’édifice arbore de nouvelles enseignes, celles de l’esthétique, du luxe et du confort.
A l’intérieur des trano gasy, le foyer était disposé au milieu, et chaque membre de la famille s’installait autour, selon un ordre bien précis et bien défini relatif au rang hiérarchique qu’il occupe. Le père de famille se plaçait du côté nord de la chambre, les enfants, du côté sud, tandis que les femmes s’affairaient à préparer les repas. Dans la croyance malagasy, les vivants entrent par des portes en bois, et les morts, par des portes de pierre. Ainsi, il n’était point d’usage d’utiliser les pierres dans la construction des habitats.

Missionnaires et changement architectural

Ce n’est qu’au XIXè siècle que l’architecture a connu un changement notoire consécutif à l’arrivée des missionnaires étrangers. Et c’est l’un deux, James Cameron, un artisan menuisier d’origine écossaise, ayant débarqué à Madagascar en 1826, qui a été le premier à avoir utilisé d’autres matières que le bois dans la construction de maison à Madagascar. Ce missionnaire, dépêché par la London missionary society ou LMS, pour apprendre aux autochtones les techniques de la filature et le tissage du coton pour en fabriquer du tissu, a en outre fait connaître un nouveau modèle de maison.
Dans ce sens, il a construit une maison en dur, dont les murs ont été confectionnés avec du mortier de terre, auquel ont été mélangées la bouse de vache et de la paille découpées en morceaux. Si la morphologie de la toiture a gardé l’aspect pointu, celle de la bâtisse a subi des changements. La maison comprenait deux niveaux dont un étage, et plusieurs chambres. Et par-dessus tout, elle comportait une véranda, disposée sur toute la longueur de l’édifice, au niveau du premier étage.
Fort de la réussite de cette première expérience, par la suite, James Cameron érigea des maisons en briques moulées. Et de là naquit les maisons appelées aujourd’hui « trano gasy ». Une appellation qui a été définitivement adoptée, éclipsant ainsi le sens original.
De ce fait, aujourd’hui « trano gasy » sert à désigner les maisons de style traditionnel en dur, essentiellement sur les Hautes Terres, que ce soit celles en simple mortier que celles en briques.

Des « trano gasy » luxueuses et confortables


Si pendant plus d’un siècle, à Madagascar, les choix en matière d’architecture portaient sur les styles plus actuelles, à tendances occidentales, aujourd’hui, de plus en plus nombreux sont ceux qui aspirent à un retour aux sources, avec en sus, un surcroit d’esthétique, garant du confort et du luxe. Dans ce sens, ils optent pour des bâtisses de types traditionnels, apparentées au « trano gasy », avec tous les éléments de base que cela comprend, mais en version plus stylée et plus fastueuse, affichant une touche de modernité, que ce soit pour l’aspect extérieur ou intérieur. Les changements concernent essentiellement les ouvertures qui sont dorénavant plus vastes et plus nombreuses. Des éléments qui ont fait défaut pour ses prédécesseurs. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des maisons traditionnelles somptueuses se dressant fièrement sur leurs piliers, rivalisant de beauté avec les modèles plus récents. Un nouveau choix des investisseurs immobiliers qui depuis quelques années, proposent des villas style ancien « trano gasy », rivalisant de beauté avec les maisons contemporaines.

Désiré Ramakavelo et sa « Taramasoandro »

Un des propriétaires de ces « trano gasy », version modernisée, le général Désiré Philippe Ramakavelo, explique son choix qui portait sur la maison de style traditionnel. Sa demeure, construite à Andrainarivo, il l’a baptisée « Taramasoandro » (rayons de soleil) du fait que la bâtisse, trônant sur une hauteur, bénéficie des rayons de soleil. « Etant membre de l’Académie malagasy et fervent conservateur de la tradition, j’ai tenu ce que ma maison respecte les normes qui en font une véritable « trano gasy » dans son intégralité. Pour ce faire, j’ai fait appel à Michel Rabariharivelo*, un fin architecte arborant le grade de DPLG (diplôme d’Etat en architecture), et qui a contribué à la restauration du Rova de Manjakamiadana, après l’incendie de celle-ci », a-t-il expliqué. Ainsi, les façades de la maison de Désiré Ramakavelo sont orientées conformément à leurs significations symboliques dans la tradition malagasy. La façade principale se tourne vers l’ouest, afin de recevoir les rayons et la chaleur du soleil de tout l’après-midi, jusqu’au couchant. En outre, des pignons ont été orientés vers le nord, le côté le plus vénéré.
Même la disposition des toitures suit des symboliques hiérarchiques bien précis, selon lesquels les plus hautes sont dédiées aux ancêtres, celles du milieu, aux parents, et celles situées plus bas, aux enfants.
Techniquement, à première vue, les piliers de la maison, tout comme les murs, sont en briques d’argile sans aucun revêtement. Cependant, le général Ramakavelo a confié qu’en réalité, ces briques ne constituaient qu’un revêtement extérieur, mais qu’à l’intérieur les poteaux sont en béton armé. « C’est par respect de l’authenticité du trano gasy », a-t-il expliqué.

Le général Ramakavelo présentant fièrement sa demeure.

La « Trano gasy » à l’origine

A l’origine, le trano gasy était faites de bois, ne comptaient qu’une seule chambre et édifiée sur un seul niveau. La demeure du Roi Andrianampoinimerina, sis dans l’enceinte du Rova de Manjakamiadana, en est un exemple. Jean Laborde, celui qui a contribué au développement des techniques de construction à Madagascar, a fabriqué le vrai palais royal, appelé Manjakamiadana, avec du bois. L’utilisation du bois signe le respect de la croyance traditionnelle malagasy selon laquelle « le bois abrite les vivants, et la pierre, les morts ». Plus tard, sous le règne de Ranavalona Ière, le missionnaire James Cameron habillé la bâtisse en bois du Rova, d’un édifice en pierre, et y a ajouté en plus une église, également en pierre à proximité.
Rivo Steph

*Michel Rabariharivelo, était le seul à avoir réalisé le plan d’architecture de l’intérieur du palais de Manjakamiadana, avant l’incendie de 1995 qui a détruit cet édifice, ainsi que les autres palais en bois, situés à l’extérieur du Rova. Une initiative qui a permis d’établir le plan des lieux. Un outil indispensable (sine qua non) pour sa réhabilitation.

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